Publication Powerpoint Delepine - 2007
Voir la version PDF de cette publication :
Valeur psychotherapeutique du medicament et surconsommation
Nicole Delepine
Valeur psychotherapeutique du médicament et surconsommation;médicalisation à vie
La santé un impératif catégorique
Notre société tend à remplacer l'idéal du bien vivre, de la santé pour tous par un impératif catégorique où la médecine est conduite à prédire et prescrire, toujours prescrire.ce qui devrait maintenir le sujet en bonne santé
En conséquence le sujet devrait rencontrer le bonheur
Le sujet devient objet de toutes les sollicitations en particulier publicitaires pour des outrages du temps empêcher l'inexorable effet lutter contre le vieillissement, l'impuissance ,la ménopause, l'andropause, les pertes de forme etc. Bien sûr éviter l'inévitable, la mort tabou.
Et les jeunes enfants?
il sont priés d'être sages, obéissants normalisés faute de quoi, ils sont inéluctablement adressés aux psychologues, aux pédiatres, psychiatres, et bien souvent médicamentés.
L'arrivée des médicaments du bonheur dit du bien être
Life style drug n'a fait qu'aggraver cette tendance permettant de mettre sur le marché des blockbusters (médicaments dépassant un milliard de dollars de chiffres d'affaires) pour soigner des « non maladies » le nouveau jargon des fabricants de médicaments !
Notre propos n'est pas de défendre des politiques antimédicaments à visée économique!
Mais alerter l'opinion des dérives dangereuses qui visent la santé des Français
_Victimes de la pression quotidienne d'une publicité directe ou plus souvent indirecte insidieuse, distillée comme une information quasi quotidiennement à la radio.
_Occupez vous de votre ménopause, consultez votre médecin, il vous fera faire une ostéodensitométrie et avec un peu de chance pour le labo on vous prescrira des drogues (non sans dangers...)
Les faits, consommation et conséquences en morbidité et mortalité
consommation de médicaments des ménages:
_(1) Consommation de médicaments en millions d'euros
_(2)Consommation par personne et par an en euros
_(3)Indice de "volume" (=effet structure +effet quantité) par personne
Les faits: consommation et conséquences en morbidité et mortalité
Au-delà de coûts indéniables pour le pays qui serait acceptable si l'indication était bonne il faut rappeler les dangers d'une telle explosion médicamenteuse et réfléchir à qui profite le crime ?
Danger des interactions médicamenteuses
On évalue à 8000 décès annuels les conséquences de mauvaises interactions médicamenteuses effets indésirables >1,7 à 25% des hospitalisations. La France est en tête dans le monde, près de la moitié des médicaments ne seraient pas utilisés à bon escient.
Les personnes agées
Satisfont de moins en moins aux critères de beauté de vigueur, d'éternelle jeunesse des magazines et des émissions de télévision, premières victimes du marketing rabâché à longueur de journée dans des émissions quotidiennes sur la santé à la télévision et journaux dérivés.
Le résultat? les personnes âgées de plus de 65 ans
Elles représentent 15% de la population française mais le tiers de toutes les prescriptions; 38% des Français de plus de 65 ans prennent de 5 à 10 médicaments par jour; 1% plus de dix médicaments par jour !
Sensibilité des gens âgés aux drogues
Mauvaise élimination progressive en raison des faiblesses acquises des fonctions rénales hépatiques cérébrales. Nombre élevé d'accidents iatrogènes conduisant non exceptionnellement à des hospitalisations voir au décès.
Médicalisation des phénomènes naturels
_Médicalisation du reflux physiologique du BB: 250 000 bébés prennent du prépulsid
_12% des enfants du bas Rhin prennent un somnifère
_500 000 personnes prennent chaque jour du prozac (effets pervers , violences , suicides)
_Plus de 5 millions de Français prennent chaque jour un tranquillisant , un somnifère, un antidépresseur ou un neuroleptique !
Evolution de la consommation de médicaments
L'évolution de la consommation de médicaments est passée de 0 ,09 en 1970 à 1,35 en 2003 par jour par personne en euro courant. Elle croit en France de 6 à 7 % par an.
Que soigne-t-on essentiellement?
l'espérance de vie s'est notablement allongée ainsi que l'espérance de vie en bonne santé mais la stagnation des progrès pour les vraies maladies conduit à créer des indications sur de larges populations « normales ». Induire chez elles des comportements addictifs aux médicaments grâce à une publicité agressive tels les médicaments dits « de confort » et les traitements « préventifs ».
Médicaments du "bien-être"
L'exemple le plus caractéristique est celui du viagra sur lequel on reviendra.L'avis du CCNE (Comité Consultatif National d'Ethique pour les sciences de la vie et de la santé )n° 62 de novembre 1999 insistait déjà sur ce danger.
Avis du CCNE n° 62: « il peut être observé un phénomène de glissement de la commercialisation d'une substance active pour des sujets dans une situation pathologique donnée vers un médicament dit de confort , au « bénéfice » d'individus qui ne sont pas dans des situations forcément pathologiques »
La valeur symbolique du médicament
_La définition de l'état de maladie passe par une interprétation relative culturellement.
« La maladie est d'abord un fait social sa nature et sa distribution sont différentes selon les époques, les sociétés les conditions sociales » (Herzlich C).
_Par ailleurs le médicament est un objet fortement symbolique polarisé fortement ambivalent « qui cristallise tout à la fois angoisses de mort et confiance en la médecine, mais aussi comme un objet aux contours flous».
«Positivement le médicament est un objet à fort pouvoir de réassurance puisque sa seule présence suffit à combler l'angoisse de mort. Négativement le médicament est également source de crainte car il est perçu comme un objet dangereux, dangerosité perçue proportionnellement à l'efficacité du dit médicament »
(Vincent une anthropologie du médicament, 2005).
Cette double polarité explique tant les achats abusifs de médicaments par pression du patient chez son médecin traitant par automédication les armoires pleines de médicaments non pris qui rassurent !
Créer des besoins, jusqu'à inventer des maladies donc des angoisses qui nécessiteront thérapeutique médicamenteuse
Sur ce terrain fragile et tiraillé par l'angoisse de mort facile de créer des besoins sur de larges populations d'ouvrir des marchés faramineux. Une première technique fut de baisser les seuils des états dits pathologiques.
Transformer les sujets normaux en hypertendus probables
jusqu'en mai 2003 la tension artérielle normale était de:
_ 120-139 mm de Hg maxima
_ 80-89 mm Hg minima
Après juillet 2003 :
_ ces valeurs sont considérées comme «pré hypertensives nécessitant «une considération médicale» !
Transformer les sujets normaux en patients probables
pour les triglycérides:
_ Même raisonnement : normal en dessous de 2.3 mmol jusqu'en juin 2003 en dessous de 1.7 après juillet 2003.
_ Idem pour les normes du cholestérol ou de la glycémie
Le coup de maître paraît être la création du registre des « non maladies »
_ Augmentation des conditions et situations humaines qui sont ou pourraient être définies comme des « non maladies ».
_ Le British Medical journal a déjà comptabilisé 200 conditions réputées à tort comme des maladies et proposé une «classification internationale des non-maladies »!
Exemples de ces «non maladies»
_ostéoporose
_ménopause
_cellulite
_déficit en testostérone de l'homme vieillissant
_l'anxiété sur la taille du pénis
_la grossesse
_le vieillissement
_la phobie sociale
_la tendance à la solitude
Médicalisation de la vie
Ainsi progressivement une partie de la population de plus en plus grande se sent « anormale » recourt aux nombreux médicaments miracles qui vont pouvoir guérir tous ces nouveaux maux qui n'en sont pas, et se rendre malades. A qui profite le crime?
Limite entre prescription légitime et surconsommation
S'il est bien compréhensible d'aider un patient en souffrance pour des problèmes familiaux ou professionnels, chômage. Il ne faudrait pas laisser croire que la solution est dans les médicaments; une béquille dans le court termeen particulier les psychotropes dont les Français sont les premiers consommateurs.
« la fatigue d'être soi. Dépression et société »
L'étude de Alain Ehrenberg dans son livre développe de façon équilibrée cette nouvelle donne de la société de la deuxième partie du XX ième siècle.
Sans condamner l'usage de médicaments visant « l'inconfort de l'homme ».
Selon l'expression du premier article de la revue du praticien en 1958 devant l'arrivée des antidépresseurs, « le débat sur les médicaments est trop moralisateur car organisé en fonction de la vieille idée que l'esprit doit dominer le corps »
Il plaide pour des raisonnements nuancés, contextuels, faisant attention à la délicatesse de toute vie humaine.
c'est dans le cabinet du généraliste que s'expriment l'inquiétude sociale et les symptômes fréquents comme l'anxiété, la fatigue , l'insomnie conduisant à des prescriptions itératives d'antidépresseurs parfois renouvelés sans nouvelle consultation réelle.
Réponse médicamenteuse tous azimuts
Réponse sur le court terme agissant sur des symptômes communs à plusieurs pathologies sans que l'on s'interroge sur leur étiologie. Médicaments à la place de l'écoute impossible dans le temps moyen consacré à chaque consultant par les généralistes mais aussi trop souvent les spécialistes. Un cancérologue ne consacrerait pas en moyenne que dix minutes à son patient
La psychothérapie même de soutien requiert dans les mêmes indications, un traitement sur le long terme
L'écoute premier médicament
C'est a contrario ce que donnaient les médecins de famille d'autrefois du XIX et début du XX ième siècle. Ils connaissaient les familles sur plusieurs générations, prenaient le temps de les écouter, accouchaient les mères et parfois les grand-mères et connu en bas âge toute la famille et si ce n'est eux leur père ou grand-père avant eux.
Alors oui le médicament a une valeur de psychothérapie mais superficielle et à court terme. Il a remplacé l'écoute non seulement du médecin de famille mais des parents, des ascendants, descendants et amis, chacun dans sa bulle. La disparition de fait de nombreuses familles ne conduit-elle pas à ce mal être qui conduit à ingérer X pilules quotidiennes ?
La vie est dure : une justification de l'addiction aux pilules? Une solution ?
Certes la vie paraît dure mais les ouvriers de ces époques révolues qui travaillaient 12H par jour sans week-end et mourraient bien avant d'avoir pu arrêter leur labeur.
Étaient- ils plus malheureux au sens où nous l'entendons aujourd'hui ?
Savait-on mieux aimer ?
La santé n'est pas le bonheur
La médecine vue par nos contemporains fait un contre sens elle ne peut apporter le bonheur. Le malheur, la tristesse et l'angoisse ne sont pas des maladies les médicaments peuvent peut-être nous aider à passer une période difficile?
Au-delà, ils nous transforment en toxicomanes ou robots, ayant perdu l'essentiel de la caractéristique humaine, la liberté.
Comme dit le philosophe André Comte Sponville « la médecine est là pour nous aider à vivre mieux, elle n'est pas là pour nous dispenser de vivre ».
Addiction médicamenteuse
Ils nous aliènent nous intoxiquent par les innombrables toxicités croisées. Ne sont-ils pas recommandés au- delà des pressions de l'industrie pharmaceutique auxquelles nous pourrions tout de même résister pour nous faire accepter la pression au travail , le harcèlement moral dont on peut se demander si elle n'est pas une nouvelle forme de management?
La médecine un art pas une science
Ne faudrait-il pas dans les écoles redonner place à la philosophie à côté des cours sur la diététique , la génétique ou autres sciences dites de la vie ?
La vie c'est aussi une philosophie de la vie que ne remplacera jamais les multiples drogues auxquelles nous sommes soumis au sens littéral.
Retour au bon sens
Il est temps que les médecins se rappellent que la médecine est un art que les patients potentiels se souviennent qu'elle ne peut pas tout qu'au delà d'un certain bon sens elle devient dangereuse pour la vie comme pour la qualité de vie eu égard à aux nombreux effets pervers des drogues prescrites sans information des effets délétères à long terme.
La consultation
La compassion, l'empathie que doit le médecin à son patient passe par le discernement et le bon sens. Trop facile, trop rapide, de prescrire un anxiolytique, un antidépresseur ou un médicament contre le vieillissement , les troubles liés à l'andropause ou à la ménopause. Le patient repart avec son ordonnance garde le poids de ses souffrances qu'il va tenter d'enfouir grâce aux médicaments.
Et après ? Il revient dans le même état!