Pharmacologie et chaine du médicament : Problèmes éthiques posés par l'informatisation de la prescription hospitalière des médicaments et en particulier des cytotoxiques.

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Document Nicole Delépine - 2007
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Problèmes éthiques posés par l'informatisation de la prescription hospitalière des médicaments et en particulier des cytotoxiques.
S. Alkallaf, B. Markowska, H. Cornille, Nicole Delepine

Problèmes éthiques posés par l'informatisation de la prescription hospitalière des médicaments et en particulier des cytotoxiques.



Groupe "éthique et médicament de Raymond Poincaré".

Réflexion légitime


sur la prescription par informatique des ordonnances médicamenteuses qui font l'objet d'une administration directe des médicaments par la pharmacie centrale de l'hôpital.
L'arrivée dans un nouvel hôpital organisé pour la dispensation des médicaments par logiciels informatiques obligatoires conduit à une réflexion éthique sur cette utilisation.

Interrogations techniques et théoriques


Ce passage rapide à la prescription informatisée nous a posé des problèmes pratiques, techniques, théoriques concernant la sécurité individuelle du patient (menacée suite à des erreurs liées à la mauvaise utilisation du logiciel ?) par rapport à la connaissance que pourraient avoir les patients de l'informatisation de leurs prescriptions et du risque de divulgation des secrets médicaux au-delà des personnes autorisées par le patient lui-même.

La prescription informatique n'est pas encore liée à l'informatisation du dossier des patients puisque le Dossier Médical Personnel n'est pas encore entré dans les normes en raison de problèmes de sécurité informatique du secret médical et du refus de la CNIL(commission informatique et liberté) en mars 2007.

Prescription informatique médicamenteuse en dehors de la généralisation du DMP


Première interrogation : puisque si la sécurité du DMP n'est pas assurée : comment celle de la prescription informatique qui en est une partie pourrait-elle l'être ?
Or la CNIL a refusé le passage actuel à l'utilisation du DMP tel qu'il est conçu puisque de gros doutes résident sur ce secret.
- la mise en place de ces prescriptions informatiques a requis en un mois
- la constitution de protocoles pré-établis de prescriptions et d'associations thérapeutiques de chimiothérapies et de médicaments pour le logiciel CHIMIO et de médicaments plus larges pour le logiciel PHEDRA.

Ces logiciels sont probablement plus adaptés aux traitements standardisés aux essais thérapeutiques qu'aux traitements individualisés.
Le risque est que, faute de temps, pressé par les pharmaciens qui veulent obtenir les prescriptions relativement tôt dans la journée ou pour le WE, le prescripteur s'adapte au logiciel plutôt que de refaire tout le parcours qui consiste à entrer à nouveau dans le logiciel un nouveau protocole de le valider avec les pharmaciens avant de prescrire enfin la cure adaptée au patient.

Prescription informatique médicamenteuse


La toute puissance du logiciel sur l'humain risque de standardiser la prescription par gain de temps, par facilité, par commodité pour d'autres intervenants de la chaîne
même dans un service spécialisé dans les traitements individualisés.

Le devenir des données stockées n'est pas clair :
Au-delà des patients en cours d'hospitalisation, que deviennent ces données ?
Sont-elles effacées ?
Sont-elles gardées ?
Combien de temps ?
Uniquement sur l'hôpital ?
A l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris ? Cette opération est-elle faite conformément aux recommandations de la CNIL ?

Logiciel Chimio et "qualité"


Dans l'immédiat et telle que l'utilisation du logiciel CHIMIO est possible, il ne paraît pas évident que celui-ci serve à la gestion de la qualité du service, en dehors de la gestion des médicaments et de la commande automatique réalisée de ce fait.

L'avantage mis en exergue qui est la détection des incompatibilités médicamenteuses est douteux :
- le logiciel CHIMIO n'est pour l'instant, pas suffisamment performant dans ce domaine
- le logiciel PHEDRA semble être tout à fait insuffisant et donner des informations parfois erronées.
Les logiciels que nous utilisons à l'hôpital de Garches sont, semble-t-il "anciens".
Ils datent de quelques années et ne paraissent pas aussi performants qu'on le souhaiterait, la première raison semblant être les données entrées.
Le logiciel est conçu par des informaticiens non médecins.
Peut être les relations médecins informaticiens sont-elles insuffisantes ?

Information des patients sur nos pratiques de prescription avis 79


(rappelé à propos de l'informatique dans l'avis 91)
Les "effets néfastes que ne manqueraient pas d'entraîner une information délivrée aux patients qui ferait état des risques potentiels liés à une expérimentation".
"La nécessité de cette information paraît d'autant moins impérieuse qu'il s'agit ici davantage de sécurité que d'information" dans l'information communiquée aux malades, seuls les "risques graves et irréversibles connus doivent être clairement évoqués aux participants", tandis que les risques éventuels ne réclament d'autre précaution que celle d'avoir été correctement évalués.
L'important est l'exigence de transparence non la mise en exergue inutile de l'incertitude.

Motivation des équipes médicales et paramédicales Secret médical et devenir des données


L'équipe paramédicale paraît plus facile à convaincre, espérant beaucoup de l'utilisation de ces logiciels informatiques, en particulier une meilleure clarté des prescriptions médicales qui seront tapées, imprimées et non manuscrites et souvent illisibles.

La réticence survient plutôt dans un deuxième temps : validation nécessaire des médicaments délivrés avant une autre prescription pour le même patient qui demande une vigilance et une grande régularité du personnel infirmier parfois difficile en cas d'instabilité d'équipes de remplacements pour des vacances etc.

Les médecins paraissent plus inquiets


Lourdeur des prescriptions.
La nécessité fréquente de rentrer des données qui ne sont pas prévues par le logiciel.
L'angoisse sur la sauvegarde du secret médical pas très clairement protégé au coeur de l'appréhension de ces logiciels qui évoquent "big brother" et le flicage de nos faits et gestes dans notre vie quotidienne :
par les caméras de surveillance,
les portables,
les radars automatique,
messagerie internet,
piratage des données informatiques de nos ordinateurs etc...

L'intérêt majeur : le flicage?


Les logiciels de prescription, comme le DMP, en tant que patient potentiel ou médecins ne font qu'accroître cette inquiétude sans bénéfice évident de qualité et /ou de simplicité.
La marge d'incertitude sur le devenir des données :
qui y a accès ?
pour combien de temps ? etc...
renforce ce sentiment d'inconnu et d'apprenti sorcier.
Le secret médical reste une obsession tout à fait naturelle et fidèle au serment d'Hippocrate chez les médecins.

Avis de la CNIL et du CCNE sur le secret de l'information numérisée Obstacle éthique


Faire la prescription informatisée alors que l'informatisation du dossier médical n'est pas au point, pas accepté par la CNIL, nous parait illogique et probablement dangereux.
L'avis du CCNE n° 91 sur les problèmes éthiques causés par l'information des prescriptions hospitalières insiste sur le risque de malfaisance et en particulier des "possibilités d'utilisation de données confidentielles".

Risque médical de la prescription


La prescription informatisée nous conduirait, nous médecins, à se glisser dans la machine et à diminuer subrepticement les formes de réflexions décisionnelles.
Une altération possible de la qualité relationnelle avec le patient.
Ce glissement pernicieux souligné par le CCNE nous inquiète.
La présence d'un ordinateur en consultation altère la relation, on regarde l'ordinateur et plus le patient.

L'avis du CCNE


Le projet de prescription médicale informatisée doit être extrêmement discuté et accepté par l'ensemble des professionnels du service avant d'être mis en fonction.

L'informatisation de la prescription se situe dans la dérive ingéniériste de la médecine.
On pourra regretter que cette prescription informatisée soit imposée sous forme d'injonction aux médecins et à l'équipe d'infirmiers, sans que ceux-ci n'aient pu mûrir progressivement les avantages potentiels d'une telle prescription informatisée.
On pourra se demander pourquoi une telle injonction?

Notre équipe a vécu la prescription informatisée des médicaments entre 1988 et 1998 à l'hôpital Debré sans trop de difficultés techniques mais sans que cette prescription apporte un plus évident puisque la réactivité de l'ordinateur par rapport à un rajout écrit, était de plusieurs heures et conduisait à surcharger les documents informatiques par des modifications manuelles ce qui paraît bien illogique.

Recommandations du CCNE 16 février 2006


Puisque ces prescriptions informatisées sont imposées à l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, il paraît difficile d'y échapper.
Il paraît tout à fait capital de respecter les recommandations du CCNE en particulier les points suivants :

- "il est essentiel d'éviter le travers de la spécialisation de certains membres de l'équipe soignante qui verraient leur temps de pratique clinique s'amenuiser au profit de leur confinement dans des taches électroniques".

- "Eu égard aux échecs des outils informatiques des décennies précédentes, il semble "essentiel" de susciter un débat collégial entre professionnels concernés afin que leurs résistances soit clairement explicitées".

Des échanges doivent être encouragés entre utilisateurs actuels et personnels qui demeurent dans un système classique de prescriptions.

- "un déploiement progressif de ces techniques en commençant par les services où la prescription est la plus simple" ce qui ne paraît évidemment pas le cas au sein du service d'oncologie pédiatrique.
Le CCNE a également conseillé un travail de suivi avec mise en place d'un dispositif consacré à un retour d'expérience.

"Les rigidités du logiciel, les contraintes liées à sa logique de stricte rationalisation doivent être scrupuleusement répertoriées".

"La phase expérimentale de l'utilisation d'un logiciel ne peut être considérée comme close qu'à partir du moment où l'équipe médicale ne rencontre plus de situation pour lequel le logiciel de prescription se montre trop contraignant".

Il faut effectivement que le médecin ait au moins autant de possibilités de prescriptions qu'il n'en n'avait auparavant.

Un autre conseil du CCNE fondamental mais jamais appliqué :
que les écueils rencontrés par un service d'utilisation d'un outil soient signalés dans les meilleurs délais à l'ensemble des unités de soins de tous les sites hospitaliers engagés dans la voie de cette expérimentation informatique analogue.

Le CCNE a insisté sur le fait


qu'il n'était pas "acceptable que le logiciel soit mis en fonctionnement dans des services hospitaliers s'ils ne sont pas suffisamment performants pour détecter des erreurs prescriptives mêmes grossières".

"Ce ne sont pas seulement les incompatibilités médicamenteuses mais aussi les aberrations prescriptives, notamment en fonction des caractéristiques du patient que le logiciel doit être en mesure de repérer".

Conclusion


L'outil informatique ne doit pas être un élément essentiel dans la relation malade personnel médical et infirmier.
C'est l'espace de soins ou la parole qui doit toujours prédominer.
Cette prescription informatisée ne doit pas non plus devenir un substitut à la décision thérapeutique.
Nous espérons que la mise en pratique de ces recommandations pour la mise en pratique expérimentale de logiciels de prescription pourront être rapidement appliquées à Poincaré afin de permettre de prescrire dans la sécurité, la sérénité et le respect du secret médical.

Prix de revient de ces techniques ?
En temps de personnel pharmacien médical paramédical, nous n'avons jamais pu obtenir ces informations. Si quelqu'un connaît la réponse...




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