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Les Zindigné(e)s N°7 - Septembre 2013 - 2013
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La peur du crabe : exploitation du cancer à des fins commerciales
Nicole Delépine


Source : Les Zindigné(e)s N°7 - Septembre 2013


La peur du crabe : exploitation du cancer à des fins commerciales



Pourquoi dépenser autant de milliards d'euros pour les médicaments en France? l'exemple de l'instrumentalisation de la peur du crabe à des fins marchandes.



La plus grande source de profits dans le monde, en dehors peut-être du marché opaque des armes et du pétrole, est l'industrie pharmaceutique.
Pour ce résultat, il faut convaincre le maximum d'humains qu'ils sont malades ou vont rapidement le devenir et leur faire accepter les drogues censées prévenir les maux réels, futurs ou imaginaires. Docteur Knock est bien vivant et la peur l'outil le plus efficace pour mater les foules. L'angoisse d'avoir un cancer puis de récidives éventuelles est un moyen très pervers de "nourrir" les patients par des médicaments de plus en plus chers. Comment faire la différence entre le nécessaire, l'indispensable et le simple marketing ?
Professionnels, nous avons bien du mal à faire le tri entre ce qui est, pourrait ou n'est pas du tout utile. Notre crédulité à rude épreuve, nous ne voulons pas priver les patients de quelques mois de survie confortable et non plus les intoxiquer par des drogues non expérimentées dont ils ne seront que les cobayes ! L'étude IMS Health 2012 montre que malgré la crise, la croissance de ce marché continue dans le monde. Néanmoins en France depuis 2006, le marché des médicaments remboursables en ville est stable : chiffre d'affaires : 21 Milliards d'euros par an. Le marché hospitalier a vu son chiffre d'affaires passer de 3 à 6 Milliards d'euros de 2002 à 2011. Où est la crise ?

L'industrie pharmaceutique occupe une place majeure dans l'économie française en termes d'activité et d'emploi. Son poids dans l'industrie manufacturière est plus élevé que dans les autres pays européens, et près de deux fois plus en France qu'en Allemagne. Le domaine de la santé compte plus d'un million de professionnels, la part du PIB consacré à la santé est de 12 % en 2011. Big pharma fait régner la peur de la maladie dans la population et la menace des licenciements chez les politiques qui résisteraient à son exigence de prix délirants non négociés des drogues dites innovantes (d'intérêt réel incertain et de toxicité inconnue, les essais sur de grands groupes n'étant pas encore réalisés). La présidence a décidé en 2003, lors de la création à l'Elysée du premier plan cancer, le remboursement à 100 % des molécules nouvelles supposées innovantes hors tarification à l'activité (T2A) des hôpitaux. Il a imposé ce remboursement à la sécurité sociale sans débat démocratique. L'assurance maladie exécute l'ukase présidentiel objectivant ainsi la perte de son indépendance
statutaire d'origine1. Depuis dix ans, malgré les changements politiques et le rapport de l'IGAS de 20122, la mesure est reconduite dans les plans cancer successifs : plus de 1,5 milliard d'euros est déboursé par l'assurance maladie pour payer aux labos ces drogues en devenir. Les patients seront cobayes, les labos toucheront le jackpot puisque que l'essai sera payé par la sécurité sociale3. Certaines drogues seront délaissées par les labos ou /et les prescripteurs quand ils seront tombés dans le pot commun des substances avec autorisation de mise sur le marché (AMM). Leur prix plus bas car négocié pour obtenir l'AMM, devra être payé par les établissements, intégré dans leur T2A. Les gestionnaires préféreront passer à d'autres innovations "gratuites" pour l'hôpital et les médecins obéissants se réjouiront de cette opportunité. On aura convaincu soignants et patients que le nouveau est toujours meilleur que l'ancien. Les médecins se sentiront investis dans la recherche, croiront participer aux progrès thérapeutiques et, congrès et publications aidant, toucheront des bénéfices secondaires.

Il est capital de manipuler les patients pour qu'ils acceptent, puis réclament ces drogues dont les effets positifs réels et la toxicité potentielle sont inconnus. C'est le rôle des campagnes de publicité dans les journaux et à la télévision développées par le Ministère sous prétexte d'information et relayées à loisir par les journalistes santé crédules (ou complices) prétendant que ces nouvelles molécules donneront à vos patients ou à vos proches quelques mois supplémentaires de survie. Ces campagnes de publicité sur tous médias organisées par le ministère de la santé témoignent des liens incestueux entre pouvoir politique et lobbys pharmaceutiques. Ils devraient être la première cible des élus qui prétendent épurer la société malade des conflits d'intérêt. Les tenants de la pensée unique nous stigmatisent sous prétexte qu'on voudrait refuser aux patients quelques mois de vie que l'on s'empresserait de demander si nous étions personnellement en cause. Personne ne refusera aux malades ces mois de vie à condition qu'ils soient "vivables" mais il ne faut jamais oublier que des traitements conventionnels reposant sur des schémas éprouvés donnent le plus souvent autant de survie supplémentaire de qualité que le saut dans l'inconnu hors de prix des molécules innovantes. A condition de pouvoir administrer ces traitements conventionnels sans se faire taxer de pratiquer l'acharnement thérapeutique des médecins, se faire menacer de plainte de l'Ordre, et que votre patient ne soit pas expédié rapidement en soins palliatifs. Les ardents défenseurs des molécules innovantes au prix du diamant sont les mêmes qui pourfendent les oncologues qui tentent de prolonger la vie de qualité de leurs malades avec des moyens classiques sans les abandonner trop vite à l'arrêt des
"traitements actifs"4 qui devient une discipline médicale !

La marchandisation du secteur



Les chiffres d'affaires mondiaux des laboratoires témoignent de la marchandisation du secteur. A titre d'exemple en 2009 selon Les Echos les cinq premiers : Pfizer-Wyeth (US) : 75 milliards de dollars, Merck & co ; Schering-Plough (US): 47 milliards Hoffman-La Roche­ Genentech (Suisse): 43.1 milliards; Novartis (Suisse) : 41.5 milliards ; Sanofi-Aventis (France) : 34.9 milliards. En France, le secteur du médicament représentait 2,2 % du PIB - chiffre d'affaires 33,1 milliards d'euros en 2005, 50 milliards en 2011. Le bénéfice annuel net représente plus de
20% du chiffre d'affaires, record absolu des activités légales. Le taux de retour sur investissement est deux fois supérieur à la moyenne des industries. La puissance financière des firmes leur permet d'exercer une forte influence sur les pouvoirs publics, OMS, commission européenne et gouvernements. Les moyens vont du lobbying classique (plus de 40 députés se réclament les amis du LEEM5) au chantage aux emplois, à la corruption de certains experts et décideurs des ministères et agences sanitaires, d'où les scandales successifs et le refus de transparence6.
Ceux-ci s'entendent entre eux malgré les lois européennes qui interdisent le cartel d'entreprises et les ententes. En 2011, Roche est accusée d'entente avec Novartis pour imposer à un prix exorbitant un traitement de la dégénérescence maculaire (Lucentis versus Avastin molécules cousines germaines commercialisées à des prix de facteur différent de 207). Certaines firmes ont conclu des accords illégaux avec des fabricants de génériques pour que ceux-ci ne proposent pas leurs génériques à des prix trop bas. Seule la lutte incessante contre les conflits d'intérêt entre toutes parties pourra mettre un frein à l'appétit des différents groupes médicaux, politiques, élus etc. L'affichage obligatoire des liens d'intérêt (déjà légal, jamais pratiqué à la télé ou radio) entre professeur interrogé sur un médicament et le laboratoire qui le promeut serait une étape immédiatement efficace. Elle rappellerait chaque jour ces liens incestueux, dangereux pour la morale et la santé des humains. Je vous invite à suivre prochainement la campagne de "sensibilisation", au problème de l'éjaculation précoce qui va inonder nos ondes (déjà sur France info) pour un médicament proche du prozac dont les dangers sont importants pour un souci souvent soluble par des voies non médicamenteuses. Exigez de connaitre les liens d'intérêt !


Notes:

1. De même le ministère de la santé a imposé les remboursements de vaccins inutiles (grippe H1N1: 2 milliards) voire dangereux (vaccin contre l'hépatite B). Le Gardasil remboursé à 100% à des prix élevés protègerait contre certains papillomavirus. Son efficacité dans la prévention de cancers du col de l'utérus des décennies plus tard, reste à démontrer, ses dangers graves sont par contre connus.

2. Qui démontre l'intérêt pour l'industrie plus que pour les patients.

3. J'ai détaillé le problème capital posé par la liste en sus des groupes homogènes de malades dans une tribune sur économie matin en 2013 et dans l'essai : Le cancer Un fléau qui rapporte publié chez Ed Michalon en février 2013.

4. LATA "limitations et arrêts de thérapeutique active" : nouvelles formations hospitalières en 2013 pour la première fois après 40 ans de carrière.

5. Syndicat de l'industrie du médicament.

6. Par exemple la banque de données Eudravigilance rassemblant les effets secondaires n'est pas accessible au public de même que les résultats détaillés des essais, propriété "intellectuelle"des laboratoires.

7. Le laboratoire fabriquant Avastin ne demande pas l'AMM pour l'indication ophtalmologique, ce qui permet au labo fabriquant le Lucentis de le vendre à 1000 euros l'injection contre 50 euros la dose d'Avastin équivalente.





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