Textes de réflexion : Pour lutter contre la désinformation sur le dépistage du cancer du sein par la campagne publicitaire

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Publication Nicole Delépine - 2013
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Pour lutter contre la désinformation sur le dépistage du cancer du sein par la campagne publicitaire
Nicole Delépine

Pour lutter contre la désinformation sur le dépistage du cancer du sein par la campagne publicitaire "Octobre rose"



Extraits du livre "le cancer un fléau qui rapporte" par Nicole Delépine chez Michalon - février 2013 :

Le cancer, un fléau qui rapporte, le dernier livre de Nicole Delepine


Paru sans contestation, sans remise en cause de son contenu dénonçant la manipulation " octobre rose " qui recommence sans la moindre pudeur, en période de crise et d'asphyxie des finances publiques.

Un combat politique "féministe" au détriment des femmes censées être protégées. Mais deux milliards d'euros... ça ne s'abandonne pas comme cela...


Les coûteux mirages du dépistage en cancérologie.
page 215 à 246 extraits



Les bases du dépistage.
Aux débuts de la cancérologie, lorsque les traitements se résumaient à la chirurgie et à la radiothérapie, la taille et l'extension de la tumeur au moment du diagnostic constituaient les facteurs principaux du pronostic. Les malades vus avec de grosses tumeurs survivaient moins longtemps et moins souvent que ceux vus avec de petites tumeurs. C'est à cette époque que l'on a conçu le dépistage, pour découvrir et traiter des tumeurs plus petites, moins étendues.(..)
L'idée du dépistage organisé du cancer du sein par mammographie a germé en France après la publication d'études, principalement scandinaves, affirmant qu'il pourrait réduire la mortalité de 15% voire plus.On a démontré depuis que les résultats de l'étude suédoise ayant annoncé en 1985 une réduction de mortalité par cancer du sein de 30 % dans le groupe dépisté sont faux. Ces résultats favorables à la mammographie sont en effet incompatibles avec les données des registres de diagnostics et de décès en Suède. À l'instigation d'un radiologue, des pressions ont été exercées pour faire retirer l'article mis en ligne par le journal européen du cancer en mars 2006. Cette procédure de retrait a contrevenu aux règles déontologiques en usage dans la publication scientifique. La dernière synthèse officielle des études comparatives sur l'efficacité du dépistage par mammographie émanant du réseau Cochrane conclut :"si un décès par cancer du sein est évitable par le dépistage chez 2 000 femmes suivies pendant 10 ans, on allonge la survie d'une femme mais au prix de 10 surdiagnostics entraînant autant de surtraitements1". Les études favorables au dépistage, même lorsqu'elles ont été actualisées récemment, portent sur des périodes anciennes, lorsque les traitements médicaux n'étaient guère performants et la mortalité élevée. Le bénéfice actuel du dépistage pour une population qui bénéficie des traitements modernes reste très incertain et entièrement à démontrer alors que ses risques et son coût sont bien réels.

En France le dépistage organisé du cancer du sein a été généralisé depuis 1989. Ce dépistage gratuit (pour les sujets dépistés mais pas pour la Nation) est proposé aux femmes de 50 à 74 ans tous les 2 ans depuis 1989. Deux mammographies sont réalisées. Leur valeur prédictive positive, c'est à dire leurs "chances" de détecter un cancer est proche de 5,8%. Le coût total annuel de ce dépistage était d'environ 1,5 milliard d'euros en 2005. Curieusement, à ce jour, malgré l'importance des dépenses engagées, le nombre de participantes et l'abondance de la bureaucratie de soutien, aucune étude française sérieuse sur l'efficacité réelle de ce dépistage n'a été publiée.
La mortalité par cancer du sein baisse, indépendamment de la qualité du dépistage, en raison des importants progrès thérapeutiques des 20 dernières années. Les principaux risques quantifiables du dépistage sont les faux­positifs, le surdiagnostic et le surtraitement. Les faux­positifs (suspicion de cancer infirmée par des investigations complémentaires) dépendent de la qualité radiologique et de l'organisation du dépistage. Dans les programmes de qualité avérée, 3 à 5% des examens sont des faux­positifs. Ce risque augmente avec la répétition du dépistage: après 10 mammographies biennales, on estime qu'une européenne sur 5 environ recevra un résultat faussement positif.

Les faux­positifs, le surdiagnostic2 et le surtraitement liés au dépistage n'ont pas diminué, augmentant les risques alors que les progrès thérapeutiques entraînent une baisse régulière de la mortalité même dans les tumeurs évoluées diminuant d'autant les chances de bénéficier du dépistage par la mammographie et faisant pencher la balance bénéfice/ risque nettement du coté du risque. La communication officielle souligne qu'un taux important de cancers de petite taille (30%) et de cancers sans envahissement ganglionnaire (69%) sont détectés grâce au dépistage, mais cela ne prouve en rien son utilité car ce peut être un indice d'efficacité comme un signe de surdiagnostic important. Car les biopsies affirment qu'il existe un cancer sans prendre en compte l'état évolutif.

Il existe beaucoup de cas de tumeurs non évolutives. Des biopsies pratiquées sur des femmes apparemment saines, décédées accidentellement ont mis en évidence chez 30% d'entre elles des carcinomes alors qu'elles n'avaient pas déclaré de cancer du sein.

On estime que pour 100 femmes présentant un carcinome à la biopsie, 25 déclareront un cancer du sein, mais que 75 n'en souffriront pas.

Ces chiffres montrent l'importance du risque de surdiagnostic lors du dépistage. Le dépistage organisé détecte de façon précoce les tumeurs mais la biopsie ne peut pas préciser le caractère évolutif de ces lésions.

Le sur-diagnostic est responsable d'une augmentation apparente de l'incidence annuelle et du taux de guérison du cancer dépisté, et d'une stabilisation de la mortalité spécifique attribuées au dépistage. D'autant qu'en pratique, la découverte d'un cancer est une source d'angoisse considérable et que la patiente demande généralement une intervention... Le surdiagnostic lié au dépistage par mammographie est fréquent et peut être source de surtraitement avec ses complications et séquelles inutiles.

Tant qu'il est impossible d'identifier les tumeurs indolentes, le surdiagnostic restera inévitable et occasionnera des traitements et des coûts injustifiés, minorant la qualité de vie sans contribuer à la réduction du risque de décès.

(...)Le surdiagnostic affecterait 10 à 14% de cas, soit environ un cancer dépisté sur 6. Une étude norvégienne récente3 l'évalue à 15 à 25%.

(...) Le budget national consacré au dépistage d'un seul cancer du sein est de 20 000 €. Ces 20 000 € ne concernent que le dépistage, hors examens diagnostiques et hors traitement, estimation proches des chiffres canadien (20000 dollars canadiens ou suisses).

"Le coût d'un dépistage du cancer du sein effectué tous les deux ans auprès de 100 000 femmes pendant dix ans s'élève à 85 millions de francs (suisses soit environ 60 millions d'euros). Si l'on admet que 70 femmes survivront, la dépense par femme concernée sera d'environ 1,2 million de francs (suisses soit environ 750 000 euros) pour le diagnostic pour éviter qu'elle ne meurent d'un cancer du sein au cours des dix prochaines années. En comparaison, environ 10000 femmes meurent pour une autre cause dans cette même population et durant la même période".

Selon une étude récente réalisée en Suède et parue dans le Journal of the National Cancer Institute les mammographies de dépistage du cancer du sein n'auraient pas de réel impact sur la mortalité due à cette maladie.
En Suède, environ huit Suédoises sur dix se soumettent régulièrement au dépistage (ce taux est l'un des plus forts d'Europe). L'enquête souligne que la mortalité due au cancer du sein, en Suède, aurait évolué, au cours de ces dernières décennies, comme si le dépistage généralisé n'avait pas eu lieu.

L'étude, menée par l'International Prevention Research Institute de Lyon, estime qu'entre 1972 (année des premières campagnes) et 2009, la mortalité par cancer du sein a diminué de 0,98%. Dans 14 des 21 comtés, la mortalité baisse de manière linéaire avant et après la mise en place du dépistage. Ce résultat questionne leur efficacité réelle.

Une étude Danoise4 confirme le très faible intérêt de ce dépistage au Danemark, pays précurseur dans cette lutte contre le cancer du sein. L'objectif de cette nouvelle étude était de déterminer si un dépistage systématique sauve réellement des vies. Les chercheurs ont réétudié tous les cas de décès par cancer du sein de 1971 à 2006, classés par année, par région et par tranche d'âge de 5 ans. Ces données ont été corrélées à la population féminine totale et aux lieux où le dépistage existait en fonction de sa date de mise en place. Ils ont également tenu compte du fait que les cancers du sein survenant chez des femmes de 35 à 54 ans ou de 75-84 ans, n'auraient pas pu être découverts par le dépistage systématique puisque ces femmes en étaient exclues. Une fois toutes ces données réunies, les scientifiques ont pu dresser un tableau clair de l'intérêt du dépistage. Au cours des 10 années pendant lesquelles, le dépistage systématique a pu avoir un effet, la mortalité totale par cancer du sein des femmes de 55-74 ans a été réduit de 1% au sein des zones où le dépistage existait, et réduit de 2% dans les zones où le dépistage n'existait pas. Dans le même temps, la mortalité par cancer du sein chez les femmes de 35 à 54 ans, n'ayant pas accès au dépistage, a diminué de 5% par an dans les zones où existait un dépistage et de 6% par an dans les zones où le dépistage n'existait pas. Il n'y avait pas de modifications de la mortalité chez les femmes de plus de 75 ans, également exclues du dépistage.

La réduction importante de la mortalité par cancer du sein observée au Danemark, comme dans d'autres pays n'est donc pas liée au dépistage mais plus probablement à l'amélioration des traitements médicaux, de la chirurgie et à une prise n compte des facteurs de risque.

Selon la conclusion de N M Hadler5 professeur à l'université de Caroline du nord : "La mammographie inflige aux femmes dépistées un excédent de procédures chirurgicales et de traitements adjuvants sans utilité démontrable". L'heure est donc venue de se poser la question de l'utilité de ces programmes de dépistage pour la France où la baisse de mortalité annuelle par cancer du sein est comme dans l'étude Danoise aux alentour de 1%.

L'INCA promoteur zélé du dépistage organisé reconnaît d'ailleurs que : "le dépistage organisé représente avant tout une mesure égalitaire : proposée de façon systématique à l'ensemble de la population ciblée, elle permet à de nombreuses femmes, qui ne bénéficiaient d'aucun suivi, d'accéder à une procédure de dépistage pour le premier cancer féminin. La médiatisation des programmes de dépistage induit une amélioration de la connaissance de la maladie dans la population et chez les professionnels ; elle contribue, par le niveau d'alerte qu'elle entraîne, à améliorer les conditions du diagnostic et de la prise en charge, y compris chez les femmes ne pratiquant pas de dépistage. Le recul dans le programme français, généralisé en 2004, est encore insuffisant pour en évaluer l'impact sur la mortalité globale, ce d'autant que le dépistage n'entre pas seul en ligne de compte pour atteindre cet objectif..
Le Plan Cancer renforce l'engagement national dans le dépistage organisé des cancers du sein, principal vecteur de la qualité des pratiques et de lutte contre les inégalités face au premier risque de cancer chez la femme."


On doit ici citer le rapport à l'assemblée nationale N°1678 du 17 6 2004 "L'objectif d' augmenter le taux de participation ne doit pas se faire au détriment de la qualité de l'information fournie. Certains documents publiés trop simplificateurs fournissent une information biaisée où il est sous-entendu que dépister un cancer s'accompagne toujours de la guérison de celui-ci... Il est pourtant essentiel que l'information soit complète et décrive non seulement les avantages du dépistage mais également ses limites (faux négatifs, cancers de l'intervalle, faux positifs). C'est à cette seule condition que les femmes pourront choisir librement de participer ou non au programme de dépistage. Ces considérations ne sont pas uniquement d'ordre éthique mais répondent aux impératifs fixés par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé selon laquelle toute personne a droit d'être informée sur les actions de prévention qui lui sont proposées, sur leur utilité, leurs conséquences et sur les risques qu'elles comportent.

L'affirmation répété sur les médias par les acteurs officiels et les associations selon laquelle "la mammographie pratiquée tous les 2 ans permet de réduire de l'ordre de 30 % la mortalité spécifique des femmes de 50 à 69 ans, après 7 à 13 ans de suivi"
très présomptueuse, ne cite pas ses sources scientifiques et ressemble beaucoup à une publicité mensongère ne respectant pas les souhaits de l'assemblée nationale. Une étude moderne impartiale à laquelle participeraient des acteurs actuels du dépistage (juge et partie !) mais aussi des scientifiques sans lien d'intérêt avec celui ci est indispensable afin de vérifier l'utilité réelle d'une dépense publique de 1,5 milliards d'euros par an. Le plan cancer 2009-2013 ne prévoit pourtant qu'une seule action particulière concernant le cancer du sein6 : "Définir les modalités techniques permettant d'exploiter pleinement les possibilités offertes par les mammographies numériques pour le dépistage du cancer du sein"...

Conclusions faire reculer la mortalité et diminuer les séquelles par un traitement plus précoce est une belle idée. Malheureusement le bénéfice du dépistage des cancers ressemble aux mirages dans le désert : plus on croit s'en approcher, plus il paraît lointain. Les résultats les plus récents montrent que le bénéfice du dépistage du cancer du sein paraît dores et déjà rattrapé par les progrès des thérapeutiques; cependant il s'agit d'un véritable tabou ou les arguments objectifs de la discussion scientifique sont habituellement pollués par l'intense campagne de désinformation en sa faveur, des considérations politiques ("c'est un acquis du combat des femmes " " c'est la dernière politique de santé égalitaire...") mais aussi financières car la manne de 1.5 milliards d'euros dépensés par la collectivité chaque année fait vivre plus de personnes (bureaucratie du dépistage, associations de malades subventionnées, radiologues, chirurgiens, anatomopathologistes,.) que le cancer n'en tue.

Il est inadmissible que les campagnes de dépistage ne comprennent pas obligatoirement l'analyse concomitante annuelle par un organisme indépendant des dépisteurs (INSERM ?) de leur résultat sur la mortalité spécifique, sur la mortalité globale, du taux des faux diagnostics et des surtraitements et des séquelles qui en découlent .
Il est tout à fait aberrant que la représentation nationale soit contraint de baser ses décisions sur des rapports d'experts rarement indépendants faisant une macro analyse d'études réalisées à l'étranger. Les finances publiques sont surveillées de près par la cour des comptes. Pourquoi ne le fait on pas sur des projets de santé publique aussi couteux financièrement et aussi lourd pour la population ? il faut s'en donner les moyens, supprimer un maximum d'agences en les regroupant et en les obligeant à suivre les mêmes règles comptables que celles de la fonction publique et ne leur prolonger leurs financement qu'en cas de réels bénéfices pour la population.


1- Gotzsche PC, Nielsen Screening for breast cancer with mammography. M. Cochrane Database Syst Rev. 2006 Oct 18;(4):CD001877
2- Puliti D, E. Overdiagnosis in breast cancer: Design and methods of estimation in observational studies. Prev Med. 2011; 53(3):131-3.
3- KalagerM. Overdiagnosis of Invasive Breast Cancer Due to Mammography Screening: Results From the Norwegian Screening Program." Ann Intern Med. 3 April 2012;156(7):I-58
4- Karsten Juhl Jørgensen Breast cancer mortality in organised mammography screening in Denmark: comparative study, BMJ 2010;340:2141
5- N.M.Hadler Maladies d'inquiétude Presse de l'université de Laval 2010 page 125
6- SUZANNE H. WAIT and HUBERT M. ALLEMAND The French breast cancer screening programme




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