Est Républicain - 2013
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Plans Cancer, questions à Nicole Delépine
Nicole Delépine, Elodie Becu
Questions à Nicole Delépine
Responsable de l'unité d'oncologie pédiatrique à Garches (APHP)
Pourquoi dénoncez-vous les "plans cancer" ?
Nicole Delépine : Depuis 2003, la mise en place de plans d'organisation extrêmement coûteux a entrainé une manière très bureaucratique d'exercer la médecine. Les médecins doivent appliquer les recommandations venues de l'Institut National du Cancer et la Haute autorité de santé. Les décisions s'imposent en réunion de concertation pluridisciplinaire. Au départ, l'idée était d'offrir à tous les patients une équité de traitement. Mais on enlève au médecin sa liberté de soigner.
En quoi ces recommandations vous posent-elles un problème ?
Nicole Delépine : L'accent est mis sur les molécules innovantes, qui coûtent très chers, et sont souvent encore au stade expérimental sans avoir reçu d'autorisation de mise sur le marché. Ce choix se fait au détriment des traitements éprouvés. Le prix est très élevé. Le "coût du cancer" s'élève à environ 14 milliards d'euros annuels.
A-t-on le droit de faire autrement que le choix proposé en réunion de concertation pluridisciplinaire ?
Nicole Delépine : Oui, sur le papier. Mais c'est rare dans les faits : il faut justifier sa décision, résister à la pression du chef et du collectif pour imposer son diagnostic propre.
Y a-t-il une évaluation de ces "plans cancers" ?
Nicole Delépine : Aucune évaluation officielle ne prouve pour le moment une augmentation du taux de guérison du cancer suite à cette nouvelle organisation. Elle dépense de l'argent sans montrer son efficacité. Et elle déshumanise l'hôpital,
alors que le lien humain avec le patient est essentiel dans la guérison.
Propos recuillis par Elodie BECU