Les médias en parlent : Le culte des vitamines en passe de se révéler l'une des plus grosses arnaques du siècle

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Nicole Delépine - Atlantico - 2013
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Le culte des vitamines en passe de se révéler l'une des plus grosses arnaques du siècle
Nicole Delépine

Le culte des vitamines en passe de se révéler l'une des plus grosses arnaques du siècle



nicole delepinePaul Offit, professeur de pédiatrie de l’université de Pennsylvanie, a publié le 19 juillet 2013 un article qui a ébranlé la réputation bénéfique de la vitamine C. Pourtant, en 2010, l’industrie de la vitamine a grossi de 2,8 milliards de dollars aux USA tandis qu'en Europe le marché des compléments alimentaires représente 11 milliards d’euros en 2011.

Larticle de Paul Offit du 19 juillet 2013, professeur de pédiatrie de l’université de Pennsylvanie dans « the Atlantic » vient ébranler la coriace réputation bénéfique de la vitamine C via une analyse fine de la littérature scientifique. Ne nous méprenons pas, il s’agit là d’un sujet quasi tabou tant les convictions, tant pour que contre, sont ancrées chez ceux qui les professent. Pour les uns et les autres, d’avis pourtant opposés, le fait même de poser la question est sacrilège. Car l’homme est ainsi fait et son cerveau est plus apte à capter les certitudes qu’à travailler le doute. Et tout devient affaire de croyance quasi religieuse... même la vitamine C. Essayons tout de même d'y voir plus clair.

Depuis l’essai clinique (de fait le premier de l'histoire) mené en 1747 par un médecin James Lind qui cherchait le moyen de traiter le scorbut faisant des ravages dans la marine, il a été découvert que les marins qui avaient pris du jus de citron n’étaient pas tombés malades contrairement à leurs collègues qui avaient eu droit au cidre mais pas au citron. La vitamine C ne sera isolée qu’en 1928. Ainsi, une première évidence est établie : l’homme a besoin de vitamine C pour ne pas développer cette triste maladie qu’est le scorbut qui fait tomber les dents, saigner etc.

Dans le même temps, il est certain que les enfants trop peu exposés au soleil manquent de vitamine D, que l’administration régulière de cette vitamine chez le petit enfant lui évite de développer le « rachitisme » et qu’il est probable qu’elle est également nécessaire dans les périodes de croissance importante.

On pourrait détailler le rôle de chaque vitamine et probablement démontrer que dans nombres de situations pathologiques elles peuvent et doivent être contrôlées et corrigées si nécessaire. Le problème posé ici par cet article est celui de l’intérêt de donner à tout un chacun a priori bien portant, des doses conséquentes de « compléments alimentaires » et singulièrement de vitamines telle la C.

Je pencherais volontiers pour une position moyenne ayant tendance à penser que l’adjonction à un régime « normal », méditerranéen par exemple, de compléments ne s’impose pas chez le bien portant. Tout autre sera la question de compenser les difficultés d’apport ou d’absorption chez des sujets malades et d’adapter à leurs besoins propres évalués si possible sur des dosages les actions correctrices à apporter. Mais nous sommes déjà dans le domaine de la thérapeutique.

Il s’agit ici de savoir si l’absorption quotidienne de larges doses de vitamine C a effectivement un effet anti-cancer comme cela a été longtemps prôné à la suite du célèbre Pauling dont les deux prix Nobel pour d’autres raisons et des décennies plutôt interdisaient à tout un chacun d’avoir une opinion différente de la sienne. « Êtes-vous prix Nobel ? » se voyait t-on rétorquer. Est-ce un argument suffisant ? Depuis ses affirmations qui datent de longues décennies de nombreux essais cliniques "randomisés" (avec groupe tiré au sort dont un reçoit des vitamines et l’autre pas) ont démontré l’absence d’intérêt préventif de fortes doses de vitamine C pour le cancer. Il est remarquable que ces grands essais existent et sont assez ignorés du grand public qui croit souvent qu’il n’y a pas d’études pour des médecines dites alternatives ( je dis « dite » alternative car corriger un déficit en vitamine D ou C ou autre chez un patient déficient me parait relever de la médecine « normale » et de notre devoir).

Au-delà de la vitamine C, le marché des autres « antioxydants » tels le sélénium, le bêtacarotène, les vitamines A et E tous contenus largement dans les fruits et légumes dont on nous rebat les oreilles et consommés larga manu par de nombreuses personnes y compris bien portantes en plus de leur régime alimentaire correct, prête à caution. En effet, la grande bataille des anti-oxydants est ouverte et il est très difficile de s’y retrouver. Comme toujours en médecine il n’y a pas de vérité « simple » et la grande équation qui résume tout n’est pas à notre portée. La fameuse bataille qui se joue dans les petits organismes appelés mitochondries consiste à convertir la nourriture en énergie processus nécessitant de l’oxygène. Ce phénomène appelé oxydation libère les fameux « radicaux libres » qui peuvent altérer les membranes cellulaires, les parois artérielles et l’ADN, tous étant des processus liés à l’âge, au cancer et aux maladies cardiovasculaires. Il était tentant de penser qu’en les neutralisant on allait résoudre le problème du vieillissement et des maladies qui y sont liées. Ces radicaux libres sont neutralisés naturellement par l’organisme. L’idée a été de donner en plus d’antioxydants naturels des compléments en mangeant plus de fruits de légumes. De larges populations ont adhéré à ces idées. C’était peut-être oublier que dans la nature les choses ne sont pas si simples : ces radicaux libres dans l’organisme ne sont pas que nocifs : ils sont nécessaires pour tuer les bactéries et éliminer de nouvelles cellules cancéreuses. La balance doit être respectée et l’ajout aveugle et en grande quantité d’antioxydants peut déséquilibre la savante organisation de l’organisme, c’est le « paradoxe des antioxydants ». Il explique que de hautes doses de vitamines soient dangereuses et qu’aucune organisation internationale de santé publique ne les recommande.

Les résultats des études internationales sont pour le moins décevants et il faut rester très vigilant. A titre d’exemple l’étude citée par Paul Offit : en 1994 le célèbre National cancer Institute (sur le site duquel on trouve tous les essais cliniques en cours et les références de leurs résultats) a, en collaboration avec le Finland’s national public health institute, étudié 29.000 hommes tous grands fumeurs, âgés de plus de 50 ans, groupe à haut risque donc de cancer et de maladies cardiovasculaires. Trois groupes de personnes ont reçus soit de la vitamine E, soit du beta-carotène, soit les deux, soit aucune des deux. Les résultats ont été clairs malheureusement pour notre « bon sens » : les sujets ayant reçu des vitamines et des suppléments étaient à plus haut risque de mourir de cancers du poumon ou de maladies cardiaques que le groupe n’en ayant pas reçu. Il s’agissait d’un essai mené comme les autres essais en médecine selon les méthodologies acceptées pour les médicaments. Une autre étude sur 18 000 personnes en 1996 chez des sujets exposés à l’asbestose va dans le même sens.

Citons encore les recherches de l’université de Copenhague qui ont analysé 14 essais "randomisés" concernant plus de 170 000 personnes prenant de la vitamine C, A, E et du bêta-carotène dans l’espoir de prévenir les cancers gastro-intestinaux. La conclusion est négative : pas de diminution du risque voire une augmentation de la mortalité globale. De nombreuses autres très larges études réalisées en 2005, 2007 et 2011 vont malheureusement dans le même sens. Ce n’est pas le lieu de les détailler ici mais l’idée trop souvent donnée comme argument sur l’absence de données scientifiques fiables sur les vitamines et compléments est fausse. Les études existent et ont été réalisées sur de larges populations.

Comme pour le marché des médicaments, devenu le meilleur business légal au monde (avec les armes et le pétrole) [1], il ne faut pas s’étonner que le marché des compléments alimentaires soit soigné par le marketing inquiet des scandales répétés sur les médicaments et soucieux de développer d’autres champs prometteurs de larges bénéfices. D’autant que la publicité - via la télévision, les magazines télé ou féminins - a su développer le « besoin », y compris chez le bien portant. La santé serait devenue le quatrième sujet le plus traité sur nos grandes chaînes d’info. Pas un jour sans une émission santé, un reportage sur telle ou telle nouvelle « révolution » et plus encore sur les petits moyens destinés à préserver votre corps des ravages de l’âge. Pour ne pas mourir (ou presque) et en tous cas pour ne pas vieillir, rester beau et jeune, il faut prendre toutes sortes de vitamines ou compléments, faire tant d’heures de sport etc. Enfin vous connaissez tout cela mieux que moi, surement ! Alors sans vouloir vous démoraliser réfléchissons ensemble au fait qu’en 2010 l’industrie de la vitamine a grossi de 2,8 milliards de dollars aux USA soit un bond de 4,4 % par rapport à l’année précédente et n’a aucunement été influencée par les études scientifiques dont nous avons évoqué quelques exemples.

En Europe, le marché des compléments alimentaires attire de grands groupes issus de l'alimentaire, de la pharmacie, des cosmétiques. Sa croissance forte, entre 10 et 20 % chaque année, assure des marges confortables tant pour les industriels que pour les distributeurs (produits à marges libres pour les pharmaciens, marges plus élevées par rapport aux aliments classiques des Grandes et Moyennes Surfaces) explique le déferlement de pubs à tous niveaux qui malheureusement convainquent plus de l’intérêt commercial que médical.

En 2006, le marché mondial des compléments alimentaires était estimé à 45 milliards d’euros, partagés entre le marché américain (37 %), européen (30 %) et asiatique (28 %) dominé par le Japon. En 2011, le marché européen (entre 20 et 30 % du marché mondial) représente 11 milliards d’euros dont 1,02 milliards d’euros pour le marché français. Et en France, les ventes sont ainsi reparties : 59 % des ventes en pharmacie, 11 % des ventes en magasins spécialisés, 10 % des ventes en grandes surfaces, 7 % des ventes en parapharmacie et 13 % sur les autres circuits.

En conclusion et dans l’état actuel de la connaissance, il parait logique de limiter aux malades l’administration de tout ce qui ressemble de près ou de loin à des médicaments qu’ils soient classés dans un tiroir ou un autre. Il faut les prescrire en fonction de la pathologie présentée par le malade et éviter l’auto-prescription car les dangers d’effets secondaires ne sont pas nuls dès lors qu’une efficacité est démontrée et plus encore les risques d’interactions médicamenteuse. Il faut absolument et toujours avertir votre médecin (et les autres spécialistes qui pourraient vous traiter aussi ) des produits que vous prenez.

Chez le bien portant nous conseillons d’arrêter d’être obsédés par sa « santé » et toutes les pseudo mesures préventives qui transforment en malades trop de gens normaux. Vous ferez beaucoup d’économies, vous porterez aussi bien et vivrez plus heureux.

[1] La face cachée des médicaments 2011 Nicole Delepine chez Michalon



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